Rappelez-vous comment c’était rapide, il y a deux ans, de réclamer la PCU – même frauduleusement. Le système, quoique très nouveau et créé en un temps record, était efficace.
Quelques clics de souris et le chèque était à la poste.
Pour obtenir l’assurance-emploi, c’est une autre histoire.
Le délai d’attente, dans bien des cas, se compte maintenant en mois. C’est anormalement long.
La Coalition des associations de consommateurs du Québec (CACQ), les élus du Bloc québécois, le NPD et le Conseil national des chômeurs et chômeuses (CNC) déplorent tous
cette situation aux conséquences financières parfois catastrophiques. Certains empruntent à des taux élevés, d’autres utilisent leur marge de crédit au maximum. Les ratios d’endettement
bondissent, de sorte que les cotes de crédit dégringolent.
Le plus stupéfiant, ce sont les suggestions désespérées des employés de Service Canada aux chômeurs qui insistent pour que leur dossier aboutisse plus vite.
Certains demandeurs ont été « fortement invités » à vendre leurs biens, comme des meubles ou leur voiture, pour que leur cas soit considéré comme étant urgent, dénonce la CACQ,
qui s’interroge sur l’éthique de ce « conseil ».
Quand j’ai entendu ça, les oreilles m’ont frisé. Je trouvais ça assez effarant. Même un syndic de faillite ne fait pas ça. Il ne demande pas aux gens s’ils ont vendu leur frigo.
Élaine Guilbault, directrice de l’ACEF de la Péninsule, en Gaspésie, et vice-présidente de la CACQ
Les agents de Service Canada accordent la priorité aux personnes qui ont des ennuis financiers graves au moyen d’une grille leur permettant de hiérarchiser les demandes. Exactement
comme ça se fait aux urgences d’un hôpital, explique le porte-parole du CNC, Pierre Céré.
« Il faut que la personne à l’autre bout de la ligne comprenne que la situation est vraiment critique et là, vous devenez prioritaire. Il faut faire la démonstration qu’on est presque rendu au
niveau de l’indigence. C’est comme ça qu’ils fonctionnent en ce moment et ça, c’est du jamais-vu. Ça me dépasse », déplore celui qui œuvre dans le milieu depuis 1979.
À Ottawa, on assure que toutes les demandes sont traitées « selon la date de réception, peu importe leur complexité ou leur emplacement ».
Ce n’est pas tout. « Service Canada dit aux gens d’appeler le bureau de leur député pour que ça avance. Donc, ils appellent dans nos bureaux et ça déborde », me raconte Jean-Denis
Garon, député du Bloc québécois dans Mirabel.
À l’instar des associations de défense des consommateurs, les bureaux de députés ont accès à une ligne prioritaire avec l’assurance-emploi. Bref, puisque les urgences sont surchargées,
l’infirmière au triage propose aux malades de rentrer par la porte d’en arrière pour consulter d’autres infirmières qui font du triage. Cherchez l’erreur.
Jusqu’ici, pas moins de 4000 personnes ont demandé l’aide de leur député du Bloc québécois pour faire débloquer leur dossier. Imaginez un peu l’ampleur du phénomène d’un bout à l’autre
du pays.
« Quand une personne perd son job et se retrouve entre deux chaises, même si le taux de chômage est bas, elle a besoin de sa prestation au plus sacrant », dit Jean-Denis Garon.
Selon des informations obtenues par le NPD, la fraude survenue il y a trois ans chez Desjardins « explique environ 10 000 cas de délai de traitement »… à elle seule.
De fait, la CACQ, le CNC et les députés constatent que bon nombre de dossiers doivent être transférés au département de conformité (aussi appelé intégrité) afin d’assurer la légitimité de la
demande. Cette étape allonge beaucoup le processus. Le député Garon réclame d’ailleurs que les paiements soient versés en attendant les vérifications d’usage.