Avant d’atteindre la quarantaine, Marie-Josée Mikhael ignorait les rudiments de la recherche d’emploi : les chasseurs de têtes la poursuivaient pour lui offrir des jobs.
Ingénieure spécialisée en environnement, MBA en poche, elle a travaillé en Chine, en Inde, en Europe, au Brésil, en Australie, mais elle a surtout fait carrière au sein de grands manufacturiers de produits chimiques aux
États-Unis. Ce n’est qu’à son retour au Québec, en 2018, que Marie-Josée a remarqué qu’un autre marché de l’emploi s’était installé, du moins pour elle.
« Je passais entrevue après entrevue. Je réussissais les tests d’aptitudes, j’arrivais préparée, je savais quoi dire. Et puis… rien. Je ne décrochais pas le poste », raconte la femme de 53 ans.
Elle était pourtant qualifiée pour les fonctions qu’elle convoitait, et il lui arrivait de se rendre assez loin dans le processus d’embauche. « Je me souviens d’une fois. Ça avait l’air dans la poche. Mais après m’avoir vue en
visioconférence, l’employeur m’a écrit pour me dire qu’il avait trouvé quelqu’un d’autre », relate-t-elle en passant la main dans son abondante chevelure brune, l’air découragé.
Une date de péremption ?
Des recruteurs ont fini par admettre que, à son âge, ils la trouvaient trop vieille. Certains sont restés vagues, lui disant qu’elle n’était pas la bonne candidate pour l’équipe, ou qu’ils cherchaient quelqu’un de plus dynamique
. « Je sais très bien ce que ça veut dire : tu veux quelqu’un de plus jeune », lâche-t-elle.
Marie-Josée n’est pas la seule à constater que le monde professionnel est cruel pour les travailleuses qui avancent dans le temps.
Au pays, près de deux personnes sur trois estiment avoir été traitées injustement à cause de leur âge, révèle une étude menée en 2012 par la Fédération internationale sur le vieillissement, un organisme qui s’intéresse de
près à la question. Et pour les femmes, la situation est encore moins reluisante.
En 2015, une analyse de plus de 40 000 demandes d’emploi aux États- Unis, effectuée par le National Bureau of Economic Research, révèle que les employeurs boudent les postulants âgés – particulièrement s’il s’agit de
femmes approchant de la retraite – au point de ne pas leur envoyer un accusé de réception.
Même le vocabulaire utilisé dans la rédaction des offres d’emploi viserait à décourager les personnes plus âgées de postuler, ont découvert en 2022 des chercheurs de cet organisme américain de recherches en économie.
Comment ? En précisant que les candidats doivent être à l’aise avec la techno et les nouveaux moyens de communication, par exemple.
Mais quand devient-on « âgées » ? Aux yeux du gouvernement canadien, un travailleur franchit ce cap lorsqu’il atteint… 45 ans (!), comme en témoigne un document publié en 1999 par le ministère du Développement des
ressources humaines Canada (aujourd’hui remplacé par Emploi et Développement social Canada).
Cela dit, en règle générale, les études s’intéressant aux travailleurs âgés se penchent sur ceux qui ont entre 55 et 65 ans, soit environ 1,2 million de personnes au Québec et 1 personne sur 5 en âge de travailler au Canada.