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Du télétravail à la « télémigration »

浏览: 作者: 来源: 时间:2021-09-21 分类:新闻1
Et si le télétravail se révélait une boîte de Pandore


Et si le télétravail se révélait une boîte de Pandore pour tous les employés de bureau, 

programmeurs, cadres et autres cols blancs qui l’apprécient depuis mars 2020 ? À l’image

 des délocalisations qui ont touché les ouvriers dans les années 1980 et 1990, bien des 

experts internationaux estiment que ce sont maintenant les emplois plus qualifiés qui 

pourraient être exportés vers des pays plus pauvres. Si le Québec semble encore relativement

 épargné, la pénurie de main-d’œuvre force déjà la main à certains employeurs. Portrait 

de ce qu’on a baptisé la « télémigration ».


Dans une note économique qui a fait grand bruit en France en mai 2020, Cyprien Batut a écrit qu’« entre 35 et 40 % des emplois 

nécessitant un diplôme » pouvaient être considérés comme « délocalisables ». Les principaux freins, jusqu’à l’arrivée de la pandémie

, étaient les coûts et les risques associés à cette délocalisation. « C’est ici que la généralisation du télétravail […] pourrait changer 

la donne, car elle réduit considérablement le coût de délocalisation des emplois qualifiés, écrit l’auteur, membre du Groupe d’études 

géopolitiques. Une mondialisation numérique qui naîtrait du confinement pourrait ouvrir une nouvelle ère où les emplois qualifiés

 ne sont plus à l’abri de la compétition mondiale. » Il a cependant précisé, dans une entrevue au magazine Capital, que « seuls » 

10 % des emplois qualifiés pourraient être exportés, car ils demandent beaucoup de supervision et de coordination. Un rapport du 

Tony Blair Institute for Global Change, en Grande-Bretagne, estimait en juin 2021 qu’un emploi de col blanc sur cinq pouvait être 

réalisé à partir d’un autre pays.

Employeurs alléchés

Tous les sondages le montrent depuis le début de la pandémie, le télétravail est plus populaire auprès des employés que de leurs

 patrons. Au Québec, 38 % des employés souhaitent ce mode de travail à temps plein, selon un sondage mené par l’Ordre des

 conseillers en ressources humaines agréées, contre 1 % des entreprises. Mais qu’arrive-t-il quand le télétravail permet aux employeurs 

d’envisager des économies en embauchant à l’étranger ? Selon une consultation menée par le Conference Board aux États-Unis, 

sur 330 organisations consultées, 36 % se sont dites prêtes à embaucher des travailleurs à distance situés dans un autre pays. 

Ce taux était de 12 % avant la pandémie. « Les gestionnaires ayant été favorablement surpris par la productivité de leur personnel 

à distance, les attitudes ont rapidement commencé à évoluer », indique un rapport publié en juin 2021 par la société française Coface.

« Télémigration »

Avant la pandémie, en 2019, ce terme a été inventé par le professeur d’économie internationale Richard Baldwin dans un essai,

 Bouleversement de la « globotique » : mondialisation, robotique et avenir du travail. Il résume la télémigration comme le fait que 

« des personnes établies dans un pays travaillent dans les bureaux d’un autre pays ». Quatre facteurs expliquent son « explosion »

 prochaine : le recours grandissant au télétravail, les plateformes de travail indépendant en ligne, la traduction automatique et les 

outils de « téléprésence ». « Cette évolution créera des bouleversements dans les économies avancées, où les prestataires de 

services ont été en grande partie protégés contre la mondialisation », écrit-il.

Des précédents au Québec

Pour les responsables syndicaux, l’exemple des centres d’appels des grandes entreprises de télécommunications comme Bell, 

Telus et Vidéotron, dont on a délocalisé une partie des activités depuis le début des années 2000, fait un peu office de canari dans

 la mine. Tulsa Valin-Landry, président du Conseil provincial du secteur des communications (CPSC) du Syndicat canadien de la

fonction publique (SCFP), estime que le phénomène est appelé à s’accélérer. « C’est clair que le potentiel est là, c’est super 

inquiétant. Ça nous a été prouvé pendant la pandémie : n’importe quelle entreprise peut maintenant envoyer à moindre coût la 

job ailleurs. »

Il serait réducteur de ne voir les emplois dans les centres d’appels que comme des postes demandant peu de qualifications, et 

donc plus faciles à délocaliser, estime son collègue Brian Leclerc, président de la section locale 5144 du SCFP qui représente 

quelque 600 employés chez Telus. « Ce sont des tremplins. Bien souvent, ça encourageait les gens à aller chercher plus de 

formation, on commence et on gravit les échelons vers des postes plus qualifiés […]. Et depuis quelques années, il y a moins 

de promotion à l’interne, la valve est ouverte, mais en Inde et aux Philippines. Ça fait mal. »