Après une année record en 2020, les bureaux de l’assurance-emploi continuent de recevoir une quantité importante de demandes pour des prestations. Cette situation conjuguée
à un manque de personnel entraîne parfois des délais de traitement de plusieurs mois.
Emploi et développement social Canada mentionne avoir reçu plus de 3,8 millions de demandes en 2021, soit moins que l’année précédente, mais 20 % de plus qu’en 2019.
Malgré ce volume plus important, le ministère assure avoir été capable de respecter dans une bonne proportion le délai établi pour transmettre un avis. Entre le 1er avril et le 30
novembre 2021, environ 88 % des dossiers ont obtenu une réponse dans les 28 jours suivant le dépôt de la demande.
Dans les autres cas, «le délai moyen de traitement est entre 29 et 35 jours» et parfois plus, «notamment pour les dossiers les plus complexes», a indiqué le ministère dans un courriel.
Pour Sophie Daviault, l’attente s’est étirée sur environ quatre mois. Et ce n’est pas en raison de la complexité de son dossier, mais «dû au volume actuel de travail», a confirmé Emploi
et développement social Canada.
La Montréalaise de 29 ans a été en arrêt de travail pendant quelques mois à la suite d’un accident de vélo et d’un diagnostic de syndrome post-commotionnel au printemps dernier.
Durant cette période, elle a touché les prestations de maladie de l’assurance-emploi qui couvrent un maximum de 15 semaines.
Elle a amorcé en septembre un retour progressif au travail, faisant quelques heures par semaine en raison de symptômes toujours apparents. Au même moment, elle a déposé une
demande pour les prestations régulières, car sa banque de prestations de maladie était presque entièrement écoulée.
Débute alors une longue période d’incertitude. Mme Daviault a fait de nombreux suivis auprès d’Emploi Canada pour savoir où en est son dossier. Chaque fois, elle était invitée à
rappeler quelques jours ou quelques semaines plus tard.
«Mon dernier appel était le 22 décembre. On m’a dit qu’on ne faisait plus de niveau de rappel ou de relance parce que ça engorgeait le système. (...) Puis qu’en ce moment, ils dirigeaient
les gens qui étaient en situation d’urgence vers les banques alimentaires», relate-t-elle.
«Ils disaient qu’ils traitaient les dossiers en ordre d’arrivée. Donc, moi, c’est un dossier de septembre, ça veut dire qu’ils n’étaient pas encore rendus à traiter les demandes du mois
de septembre», ajoute Mme Daviault.
C’est quelques jours après une demande d’information de La Presse Canadienne auprès du ministère qu’elle a finalement obtenu le 11 janvier une réponse, qui s’est avérée négative.
Mme Daviault songe à déposer une demande de révision.
Elle s’estime chanceuse d’avoir le soutien de son conjoint et de son employeur, mais a une pensée pour les personnes plus vulnérables qui doivent vivre dans l’angoisse pendant plusieurs
mois.
«J’ai toujours l’exemple d’une mère monoparentale avec des enfants qui doit subvenir à ses besoins, puis de sa famille, qui ne reçoit rien. Je trouve que c’est vraiment horrible»,
commente-t-elle.
La «machine surchauffe»
L’histoire de Mme Daviault est loin d’être unique, selon le Conseil national des chômeurs et chômeuses.
«J’ai des dossiers ici qui sont bloqués depuis plusieurs mois», mentionne le porte-parole Pierre Céré.
Des lourdeurs administratives habituelles de l’assurance-emploi viennent ralentir l’étude de ces dossiers, mais le contexte de la cinquième vague de la pandémie accentue encore
davantage les délais, explique M. Céré.
Depuis quelques semaines, la «machine surchauffe», selon lui, en raison des dernières mesures de confinement au pays ayant entraîné de nombreuses mises à pied, en plus d’un
manque d’employés à l’assurance-emploi.
Dans bien des cas, des dossiers n’attendent que d’être assignés à un fonctionnaire pour de simples vérifications d’usage qui demandent peu de temps, témoigne M. Céré.
«Tout ça crée une situation qui n’est pas facile pour les prestataires d’assurance-emploi qui attendent leurs prestations pour vivre et payer leurs factures», expose-t-il.
Emploi Canada et le syndicat de la fonction publique affirment que le taux d’absentéisme n’est «pas anormal» ou «plus élevé que dans les années antérieures» avec la COVID-19.
Néanmoins, les embauches des deux dernières années sont insuffisantes pour répondre à la surcharge de travail, indique Eddy Bourque, le président national du Syndicat de l’emploi
et de l’immigration du Canada qui représente la plupart des travailleurs chez Service Canada.
«Il y a des agents qui font jusqu’à 27 heures et demie de plus par semaine que leurs 35 heures de travail», relate M. Bourque.
Les nouvelles recrues arrivent en renfort après une formation accélérée de quelques semaines, mais les erreurs sont plus fréquentes, ce qui demande une révision supplémentaire
des dossiers avant d’envoyer les avis.
«Ils ne leur donnent pas assez la chance de maîtriser ce qu’ils ont appris. (...) Ça prend plusieurs mois pour forme